Cela fait maintenant plusieurs mois que l'association 5E a publié son guidage vocal avec le sous-titre "accompagner l'apprentissage de l'écriture cursive par la voix".

Les enseignants ont eu le temps de commencer à s'en saisir en classe et les premiers retours sont plus qu'encourageants.

Je fais le point aujourd'hui sur sa raison d'être et sur son utilisation.

 

Qu'est-ce que le guidage vocal ?

Le guidage vocal consiste à associer à chaque geste des doigts un son particulier, toujours le même.

De cette manière, le lien se crée dans le cerveau de l'enfant entre le geste et le son, et on peut guider les gestes de ses doigts par la voix, sans passer par la verbalisation d'un tracé. En effet, la verbalisation crée une intellectualisation du mouvement qui n'est pas efficace.

Si je disais à des élèves de maternelle "mettez vos deux mains devant vous, l'une derrière l'autre, avec les paumes face à votre corps, puis faites-les tourner l'une autour de l'autre tout en maintenant cet angle", je n'aurais très probablement aucun résultat. Par contre, quand je leur dis "tourne, tourne, petit moulin", je déclenche le geste lié à cette comptine !

Pour que cette association soit efficace, il faut bien sûr éviter de changer de geste : si d'un seul coup je décidais de faire de grands moulinets avec les bras au son de la même chanson, cela sèmerait la confusion.

 

Les neurosciences et l'écriture

Douze aires du cerveau sont mobilisées lors de l'écriture. Certaines sont purement motrices, mais trois d'entre elles jouent un rôle essentiel en faisant le lien entre langage et mouvement. On sait, entre autres grâce aux travaux de Marieke Longcamp et Jean-Luc Velay1, que le simple fait de voir une lettre ou un mot que l'on sait lire active dans notre cerveau à la fois la zone auditive (on "entend" ce qu'on voit, alors même qu'il n'y a aucun son) et la zone motrice (on se "sent" l'écrire, alors même que les doigts ne bougent pas).

On sait également que le son, associé à un geste, permet une plus grande précision. Des expérimentations intéressantes ont même été réalisées avec des patients atteints de la maladie de Parkinson, qui écrivent sans tremblement grâce à un rythme musical, car c'est alors le cervelet - non atteint par la maladie - qui prend le relais du geste !

Ce qu'il faut retenir, c'est que la multimodalité est la manière la plus efficace d'apprendre : on associe les modes visuel, auditif et kinesthésique pour ancrer durablement l'apprentissage. Le but étant bien entendu à terme d'automatiser le geste d'écriture. Les chercheurs constatent même que quand on écrit bien du point de vue moteur, on écrit mieux du point de vue rédactionnel !

Des recherches ont été faites en "sonifiant" l'écriture, c'est-à-dire en associant des sons aux mouvements, ce qui permet de repérer si le rythme de l'écriture est fluide et d'aider à son amélioration. Les chercheurs ayant effectué ces recherches écrivent : "De plus, les propriétés informationnelles et émotionnelles du son le rendent particulièrement pertinent pour traiter la dysgraphie."2

 

Lier geste et son : la gestuelle Borel-Maisonny

En 1960, paraissait la méthode Bien lire et aimer lire, aux éditions ESF. Clotilde Silvestre de Sacy y présentait la méthode inventée par Suzanne Borel-Maisonny. Cette méthode, créée à l'origine pour des enfants atteints de déficience auditive, fut ainsi mise à la disposition du grand public. La préface disait : "Associé au son et à la graphie des lettres et des phonèmes, le geste entraîne facilité, exactitude, rapidité de la lecture et très rapidement compréhension de la phrase lue". Quarante ans avant l'explosion des neurosciences appliquées à l'éducation, Mme Borel-Maisonny avait eu l'intuition que d'associer un geste au son n'était pas un détour, mais un support supplémentaire permettant de mieux ancrer l'apprentissage en ajoutant cette modalité kinesthésique aux apprentissages visuel et auditif. Le principe du guidage vocal de l'écriture est exactement le même : en copiant, on passe du visuel au kinesthésique. L'ajout de la modalité auditive permet de renforcer l'apprentissage et de mieux mobiliser l'attention des élèves.

 

L'expérience de la graphopédagogie

Au sein de l'association 5E, nous avons toujours utilisé le son et le rythme pour travailler la rééducation de l'écriture manuscrite. Certaines onomatopées nous étaient communes, d'autres étaient inventées ou adaptées par les graphopédagogues en cabinet, d'autres encore choisies avec les élèves et soigneusement notées pour être réutilisées avec eux.

Lors d'un colloque en 2021, nous avons réuni nos expériences et tenté d'établir un vocabulaire commun, pour faciliter la communication entre nous, mais aussi pour bénéficier des "trouvailles" des uns et des autres. C'est ainsi que nous avons établi un premier "guidage vocal 5E", que nous avons testé dans nos cabinets respectifs durant plusieurs mois. A l'issue de cette période, nous nous sommes réunis à nouveau pour mettre en commun nos expériences. Nous avons constaté que certains mots, ou certaines onomatopées, étaient plébiscitées, alors que personne ne s'était approprié certains autres. Nous avons donc fait des modifications pour mettre en avant les sons les plus efficaces sur le terrain et modifier les autres.

C'est à l'issue d'une deuxième période d'essais, en cabinets et en classe, que nous avons décidé d'éditer ce guidage vocal pour le mettre à la disposition du plus grand nombre, sous la forme d'un petit livret auto-édité et vendu sur Amazon.

 

Les retours des enseignants

L'année scolaire 2024-2025 étant maintenant bien entamée, nous avons maintenant les premiers retours d'utilisation en classe. Ils sont plus qu'encourageants :

- C'est vraiment très efficace avec les CP. (Charlotte, CP)

- J'ai débuté le guidage vocal en janvier pour aborder l'écriture cursive avec mes élèves. Le résultat est plus que positif : les élèves adorent, et je n'ai jamais eu d'aussi beaux tracés ! (Caroline, GS)

- Pour ma part, mes petits élèves me réclament à cor et à cri le guidage vocal à chaque nouvelle lettre. Ils sont trop mignons et ils écrivent de mieux en mieux. Merci pour tout ! (Stéphanie, GS)

- Moi je l'utilise en classe avec mes GS. Cela rajoute une aide supplémentaire. C'est vraiment bien. (GS)

- Mes élèves adorent ! Ils appellent le guidage vocal "les formules magiques" ! (Maeva)

- Utilisé sur le premier trimestre pour apprendre le tracé de chaque lettre et je l'ai trouvé très efficace. (CP)

- Je l'utilise pour mes GS et ils adhèrent totalement..." (GS)

- Je l'utilise avec mes GS et cela aide beaucoup les élèves en difficultés. Quand on écrit des mots on dit plutôt le son de la lettre en revanche. Cela semble porter ses fruits avec des résultats plus satisfaisants que les autres années. (Julie, GS)

- J'utilise votre guidage vocal avec des CE1 en difficulté, lors des séances d'APC. C'est top. (CE1)

- Je l'utilise avec les GS en REP+ et c'est incroyable comme ils progressent vite. (GS)

 

Comment utiliser le guidage vocal en classe ?

Le guidage vocal peut être utilisé avant même la prise en main du crayon, par exemple quand on travaille le geste de la boucle en motricité. La boucle est créée quand on tourne et avance en même temps (dans le bon sens). Si, après avoir travaillé la boucle sur plusieurs séances et avec divers matériels, on lui associe le mot "tourne", on prépare la synchronisation entre le geste et le son.

Vers la boucle en MS

Il sera plus facile ensuite, en liant ce même mot à une rotation des doigts, de réinvestir le tracé de la boucle sur petit format !

Les élèves s'habituent également à écrire en parlant - ils commencent par guider leur geste avec les sons, puis petit à petit on remplace les sons du guidage vocal par les sons des lettres, et on ancre ainsi le lien avec la lecture.

Le guidage vocal sera à nouveau convoqué en cas de difficulté ou d'erreur de tracé. Si par exemple un élève trace ses grandes boucles sans leur donner suffisamment d'amplitude, on pourra l'accompagner (et lui suggérer de s'accompagner ensuite) par le son "tou-ou-ourne" en insistant bien sur les trois temps. Mais il ne sera pas forcément utile d'utiliser le guidage vocal pour de manière systématique pour tous les gestes !

Il est à noter que le guidage vocal ne correspond pas forcément à une trace, mais à un geste. Le son "hop", par exemple, est associé à un saut de crayon. Il ne laisse pas de trace, puisque la mine ne touche pas le papier.

 

Le guidage vocal permet également d'aider les enfants à encoder le sens des tracés, en particulier pour les capitales d'imprimerie et les chiffres, qui ne sont pas portés par le mouvement. Ainsi, en associant le son "roule" au geste qui trace un arrondi dans le sens horaire, on parviendra mieux à le distinguer du "clic", qui est dans le sens dominant de l'écriture cursive. Cela pourra aider les élèves qui tracent fréquemment leurs chiffres en miroir :

roule roule

Le fait de s'habituer à synchroniser geste et son prépare la voie - et la voix ! - pour écrire en parlant. Le bruissement ainsi obtenu en classe ne doit pas effrayer les enseignants, car il aide les élèves à se concentrer et limite les distractions extérieures. Avec un peu d'entraînement, les enfants arrivent très bien à moduler leur voix pour ne pas créer un brouhaha nuisible à la classe !

 

 

1. Jean-Luc Velay, Marieke Longcamp, Clavier ou stylo: comment apprendre à écrire?, Donner l’envie
d’apprendre, 2012.

2. Jérémy Danna et al, Sonifier l'écriture : un outil pour le diagnostic et la remédiation de la dysgraphie, "Développements", De Boeck Supérieur, 2013, p. 32-40.

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